Du droit des gens au droit international

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Carl Schmidt (1888-1985), auteur de Nomos de la terre, fut professeur de droit sous la République de Weimar. Il fut privé de sa chaire pendant la seconde partie de sa vie en raison de sa compromission avec le régime nazi.

Carl Schmidt comprend qu'un droit nouveau de tous les pouvoirs non matériels, de l'information, du flux des communications, des transports, etc., est en train de détruire ce qu'il estime être le vieux socle du droit, son fondement même : la prise de terre – c'est-à-dire le fait de s'emparer, éventuellement par la force, de terres ou d'un territoire qui, selon lui, est le titre juridique originel fondateur de tout droit ultérieur. En ce sens, la prise de terre est un « événement juridique constituant ». Pour étayer sa position, il rappelle que John Locke (1632-1704) – dans le ​​​​​​​Second traité du gouvernement civil II, 12 – comme plus tard Emmanuel Kant (1724-1804) – dans Métaphysique des mœurs, « Doctrine du droit » I, 12, 16 – ont affirmé que la souveraineté territoriale était le premier droit. Certes, concède Schmidt, il y a toujours eu des « thalassocraties » comme Athènes ou l'Angleterre, mais, selon lui, même le droit maritime demeurait subordonné au droit de la terre.

Or, Schmidt observe une extension du droit à l'espace de la mer libre et même à l'espace aérien. Ce sont là des événements d'une importance révolutionnaire, une telle extension constituant une bascule dans un « ordre global » – alors que tous les ordres pré-globaux étaient essentiellement terriens, affirme Schmidt. Cet événement remonterait en réalité au XVIe siècle, lorsque l'Angleterre osa franchir le pas d'une existence terrienne pour se lancer dans une existence maritime. Ses inventions, la révolution industrielle, l'économie de marché, etc. en sont les suites.

Dès lors, déplore Schmidt, au lieu du vieux droit des gens qui limitait la guerre – puisqu'on distinguait l'ennemi du criminel, le vainqueur d'une guerre d'occupation avait le devoir accorder au vaincu, en échange de son obéissance, sa protection, ainsi qu'une administration ordonnée du territoire occupé – s'impose peu à peu, notamment à travers l'histoire des colonisations, un droit inter-étatique et s'invente ainsi un droit international.

Questions

  • Si la « prise de terre » est un événement juridique constituant, comme le pense Carl Schmidt, cela signifie-t-il que la force fasse le droit ? Cela vous paraît-il possible ? Quels arguments pourrait-on opposer à une telle affirmation ?
  • Comment caractériseriez-vous la différence entre le droit de la guerre tel que le présente Carl Schmidt et le droit international humanitaire ?

Pour approfondir

  • Carl Schmidt, Le Nomos de le terre, trad. Deroche-Gurcel, PUF Quadrige, 2001 (particulièrement, « Sens du mot nomos » et « Prise de terres et droit des gens », p. 70 à 86. Il est couramment admis que Schmidt a subverti le sens du mot grec nomos, qui signifie loi)
  • Carl Schmidt, Terre et mer, Krisis éd., 2022

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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